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À l’origine de… Dirty Old Town – The Pogues
Dirty Old Town, le légendaire hymne célébrant l’Irlande dans le vaste imaginaire collectif, a surtout été popularisé par les Pogues en 1985 sur l’album Rum, Sodomy and The Lash. Cette chanson, chantée de mémoire dans tous les pubs irlandais, et plus généralement dans la majorité des pubs anglo-saxons, apparaît dés lors comme un cri de ralliement d’origine irlandaise, qui s’est exporté au-delà de ses frontières historiques.
une ville au nord-ouest de l’Angleterre. Pourquoi Salford ? Tout simplement car c’est le lieu de naissance d’Ewan MacColl, compositeur originel de la fameuse chanson.
Le véritable nom d’Ewan MacColl est James Henry Miller et comme la typologie de ce nom l’indique, il semble qu’il ait voulu insister sur ses origines écossaise, ses parents étant tous deux écossais. En effet, la particule « Mac » signifie « fils de » en gaélique écossais. Mais cette particule existe aussi en Irlande, en témoigne le nom du chanteur des Pogues, Shane MacGowan, lui aussi né en Angleterre mais de parents tous deux irlandais.
Il est donc relativement difficile d’expliquer le choix de ce changement de nom, mais la raison sous-jacente semble culturellement forte.
En plus de ses talents de compositeur et de musicien, Ewan MacColl est aussi poète et dramaturge. Après avoir monté sa troupe de théâtre, il écrit une pièce intitulée Landscape With Chimneys en 1949 et se passionne pour la musique folk britannique, au point d’en devenir un collecteur, au même titre qu’Alan Lomax aux Etats-Unis
Et c’est pour sa pièce de théâtre Landscape With Chimneys (en français « Paysage de Cheminées ») qu’Ewan MacColl compose Dirty Old Town, chanson qui devait être jouée durant un changement de décor. Comment faire patienter son public durant deux ou trois minutes ? En composant une chanson ayant pour thème le sujet de la pièce: la ville de Salford.
Et comment est surnommée la ville de Salford par les Anglais ? Dirty Old Town. Il existait même un passage de la chanson qui y faisait explicitement référence, passage qui a dû être modifié par Ewan MacColl lui-même à la suite de vives critiques. C’est ainsi que dans un des couplets, on peut entendre « Smelled a spring on the smoky wind », là où, à l’origine, on devait entendre « Smelled a spring on the Salford wind ».
Voici donc la version originale d’une chanson dont les paroles sont mondialement connues, mais dont les origines culturelles et historiques sont trop souvent oubliées:
Il est aussi très intéressant de constater que c’est Peggy Seeger qui accompagne la superbe voix aux trémolos caractéristiques d’Ewan MacColl. Elle est, d’une part, la femme d’Ewan MacColl, et d’autre part la fille de Charles Seeger et la sœur de Pete Seeger. Charles Seeger était folkloriste et musicologue; Pete Seeger était le très célèbre musicien engagé, malheureusement disparu en janvier dernier.
Le contexte historique est aussi éminemment précieux pour une compréhension totale de la chanson. Composé dans les années 50, en pleine période industrielle, Dirty Old Town dépeint une ville marquée par les usines et l’environnement économique d’alors. Le champs lexical va d’ailleurs dans ce sens: « gas works wall », « old canal », « factory wall », « docks », « smoky wind »…
Alors comment une chanson destinée à faire patienter entre deux changements de décors s’est-elle transformée en emblème de l’Irlande ?
Elle fut tout d’abord reprise par The Spinners en 1964, puis par The Dubliners en 1968. Les Dubliners sont des habitués des musiques traditionnelles, des pubs irlandais et sont évidemment très attachés à la culture irlandaise. Le nom du groupe est d’ailleurs une double référence: il renvoie bien sûr à Dublin mais aussi au recueil de nouvelles de l’écrivain irlandais James Joyce (dont ils tireront aussi d’un de ses romans le titre de l’album Finnegans Wake). Ce sont les Dubliners qui vont rendre la chanson populaire dans les années 70, la musique folk étant en plein Revival. Dés lors, Dirty Old Town devient un classique du répertoire des Dubliners.
En 1985, Shane MacGowan, le charismatique leader des Pogues (nom qui vient du gaélique irlandais « Póg mo thóin » signifiant « Kiss my arse ») va rendre hommage à ses origines irlandaises en reprenant Dirty Old Town. Car le titre est devenu un traditionnel et s’est implanté dans la mémoire collective comme une chanson irlandaise jouée par un groupe folk irlandais. Et c’est aussi avec ce titre que les Pogues vont asseoir une célébrité mondiale, grâce à un hymne aux teintes irlandaises qui ne vient pourtant pas d’Irlande.
Dirty Old Town a donc connu une histoire très particulière et son texte, amputé de ses références à une ville précise, a pu s’adapter aux décors des autres villes anglaises et irlandaises.
Il y a un dernier détail qui permet de terminer cette histoire par une note romanesque. En 1988, les Pogues enregistrent l’album If i Should Fall from Grace with God. Cet album comprend le superbe Fairytale of New-York où Shane MacGowan chante… avec Kirsty MacColl, la fille d’Ewan MacColl:
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